Aujourd’hui, nous accueillons Tony Lourenço pour Gilbert. Un spectacle sur un clochard qui pour une fois ne sera pas invisible, mais sous le feu des projecteurs. C’est à découvrir les 10, 11 et 12 mars au Théâtre des Beaux Arts de Bordeaux. Tony Lourenço nous parlera plus précisément de son processus créatif et de la conception de ce spectacle.
Tony Lourenço est à la base auteur de bande dessinée. Un jour, il décide de quitter Paris pour partir près d’Antibes. À la campagne, il se sent plus libre et a repris toutes les activités qu’il aime faire, mais dont il n’avait pas le temps de s’occuper. Le théâtre en fait partie. Il a alors fait du théâtre d’improvisation au Théâtre Antibéa. Le directeur artistique l’a convaincu de développer son talent d’écriture dans le spectacle. Il commence à écrire des sketchs courts dont un qui s’appelle Gilbert. Le public est conquis ! Il décide de le développer en version longue sur les planches.
« Les clochards on ne les regarde pas mais surtout on ne les écoute pas, l’enjeu était de raconter l’histoire de l’un d’entre eux et que les gens paient pour rester une heure et quart avec lui, ce qui est pour moi un bon retournement de situation » Tony Lourenço
À travers le regard de Gilbert, Tony a pu aborder des sujets de société qu’il n’aurait pas pu mettre en lumière avec la vision de quelqu’un d’autre qu’un marginal. Même si, selon lui, le théâtre ne doit pas forcément porter de messages mais surtout une émotion. Il pense que toutes les formes d’art peuvent délivrer un propos et que ce serait un plus de le faire. Dans Gilbert, même si tout n’est pas dit d’une façon explicite, ce sont des questionnements qui nous viennent en tête.
Nous avons, par exemple, le parallèle entre l’imaginaire collectif sur les capacités intellectuelles d’un SDF et le fait que Gilbert soit cultivé et littéraire. Tony souhaite aussi montrer que les clochards ont tous une histoire, c’est pourquoi il met en avant une personne invisible. Nous avons aussi la question de l’alcool, elle a ici une double utilité : c’est un cliché de reconnaissance pour le public, et c’est un moyen d’amener de nouvelles interrogations sur le comportement autodestructeur, ou sur le refuge factice que ça apporte.
« J’ai voulu un personnage cultivé, qui a de l’esprit, qui n’est pas forcément drôle tout le temps mais qui a des choses à dire »
Mais au-delà des questions que le sans-abrisme peut soulever, Gilbert c’est aussi un caractère, l’argot parisien, le franc-parler, le trait d’esprit, le trait d’humour. Ce personnage est attachant, parfois acerbe mais quand on s’y intéresse, il reste surtout très attachant.
Pour construire son personnage, Tony s’est beaucoup documenté. Son souhait était de créer un spectacle réaliste, il ne voulait pas créer une histoire fantasmée basée seulement sur son imaginaire. Pour cela, il a beaucoup lu, dans les magazines, les bds, documentaires… Il s’est aussi servi de certains contacts associatifs et de son parcours humanitaire. En étant auteur de bande dessinée documentaire, il avait déjà la méthode et la rigueur pour enquêter. Une fois le spectacle écrit, il a insisté pour le jouer à des associations, un ancien sans-abri en réinsertion l’a remercié pour le réalisme de son histoire. Une des plus grandes reconnaissances qu’il ait eu sur son spectacle.
« Des personnes sont venues me voir en me disant qu’elles avaient été émues par l’histoire de Gilbert, des cadres supérieurs m’ont dit qu’ils avaient changé leur regard sur les enjeux qui rythment la vie des SDF » Tony Lourenço
Gilbert est un spectacle qui ne laisse pas indifférent, que ce soit par son trait d’humour, par les questions qu’il soulève, et surtout par les émotions qu’il nous fait traverser.